Dividendes, plans sociaux et cadeaux d’État : cherchez l’erreur
Deux cent onze milliards. C’est la somme vertigineuse d’aides publiques — exonérations de charges, crédits d’impôt, subventions — versées chaque année aux entreprises en France. Deux cent onze milliards, et pas un seul outil de contrôle digne de ce nom. C’est une commission d’enquête sénatoriale qui le dit, pas un blog énervé.
Et pendant ce temps-là, que raconte-t-on aux Français ? Que les retraites coûtent trop cher. Que les hôpitaux doivent se serrer la ceinture. Que l’État n’a pas les moyens. On nous parle de milliards comme s’ils étaient introuvables, alors qu’ils coulent à flots dans les poches des entreprises — surtout les plus grandes, les mieux cotées, les plus généreuses… avec leurs actionnaires.
Prenez Michelin, par exemple. Pas vraiment le pire élève du CAC40. Même plutôt réputée pour sa politique sociale. Et pourtant : 73 millions d’euros perçus en aides publiques en 2023-2024. Et dans le même temps ? Un plan social de 1 254 suppressions de postes. Et surtout, une distribution record de dividendes : 1,4 milliard d’euros. Vous avez bien lu. Les aides servent à « accompagner l’emploi », nous dit-on. Mais elles finissent par nourrir les dividendes. Une sorte de rond-point fiscal : on part d’un impôt, on passe par une subvention, et on termine sur un chèque aux actionnaires.
Ce qui choque le plus, ce n’est même plus l’indécence du montant. C’est l’absence de suivi. Aucune condition, aucun bilan d’usage, aucun mécanisme de récupération si l’argent est mal utilisé. C’est un peu comme confier les clés du coffre à un inconnu et lui souhaiter une bonne journée.
Qui a décidé que l’État devait jouer les bienfaiteurs sans poser de questions ? Que nos impôts serviraient à financer des suppressions d’emplois ? Parce que c’est bien ça, le fond du problème. La générosité publique n’est pas remise en cause. Ce qui l’est, c’est son détournement systémique, son manque de cohérence, son aveuglement volontaire.
Et la commission sénatoriale, elle conclut quoi ? Qu’il faut… « davantage de transparence ». Voilà. Pas de sanctions. Pas de conditions. Juste un peu plus de lumière sur les chiffres. Comme si on allait calmer un incendie avec un arrosoir.
Une question : combien faudra-t-il de plans sociaux subventionnés pour qu’on se décide enfin à éteindre le feu ?
Nota Bene :
211 milliards d’euros d’aides publiques, c’est plus que le budget de l’Éducation nationale. Et pourtant, ce n’est toujours pas un sujet grand public. Il est peut-être temps de le rendre un peu plus… viral.
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