Tracteur rouge pulvérisant un champ au coucher du soleil, illustration de la controverse autour de la loi Duplomb

Loi Duplomb : ni les Français, ni les agriculteurs ne sont dupes

Ils pensaient faire un joli coup. Glisser la loi Duplomb discrètement au cœur de l’été, flatter un électorat agricole en vue des municipales, et passer à autre chose pendant que les Français avaient la tête au soleil. Mais voilà : en quelques jours, plus d’1,5 million de signatures sont tombées comme un orage sur leurs ambitions bien rangées.

Car cette loi, que beaucoup découvrent à travers la pétition, cristallise un malaise profond. D’un côté, les citoyens écolos, précautionneux ou simplement informés, qui s’inquiètent des risques sanitaires liés au produit réautorisé. De l’autre, les agriculteurs, pris à la gorge par la concurrence européenne, qui n’en peuvent plus d’être les seuls à devoir se passer d’un produit pourtant autorisé chez leurs voisins. Autrement dit, deux colères légitimes qui auraient mérité mieux qu’un passage en force législatif, à bas bruit.

Ce qui est ironique, c’est que cette loi, voulue pour séduire l’électorat rural, pourrait bien finir par désolidariser les élus de leurs électeurs urbains et suburbains, majoritaires dans beaucoup de circonscriptions. Ils savent très bien que la pétition n’a aucune valeur contraignante : même à dix millions de signatures, l’Assemblée n’est pas obligée de revoter quoi que ce soit. Mais politiquement, c’est une autre affaire.

Les municipales arrivent dans huit mois, ces fameuses élections où les députés et sénateurs reprennent leur bâton de pèlerin, vont sur les marchés, serrent des mains, parlent au coin d’une table de brasserie. Et ils vont dire quoi, aux électeurs qui les interpellent sur cette loi ? Que le débat parlementaire a été bouclé ? Que tout est sous contrôle ? Que la pétition sera « étudiée » en commission ? Allons…

Pire : pour éviter de trancher avant les municipales, certains vont sans doute plaider pour faire durer les débats, gagner du temps, temporiser. Résultat ? Ils risquent de se mettre à dos les deux camps : les Français pour qui cette loi est une trahison écologique, et les agriculteurs pour qui rien ne bouge concrètement pendant qu’eux, continuent à vendre à perte.

Car oui, le problème est bien là : ce produit incriminé, même s’il est dangereux, reste autorisé partout ailleurs en Europe. Résultat : des rendements divisés, des coûts plus élevés, des prix moins compétitifs sur les marchés. Ce n’est pas de l’idéologie, c’est de la survie. Le débat devrait donc être européen, porté à Bruxelles, pas tranché en douce à Paris.

Alors à défaut de revoter la loi, pourquoi ne pas revoter leur posture ? Pourquoi ne pas oser affronter les contradictions, chercher un compromis honnête, et parler aux Français comme à des adultes ?

Parce que là, franchement, ça se voit trop. Et pour une fois, tout le monde regarde.

Nota Bene :

Si la pétition ne change rien sur le plan juridique, elle change tout sur le plan symbolique. Et en politique, c’est souvent le symbole qui coûte le plus cher.

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