Nicolas Sarkozy recevant la Légion d’honneur, image symbolique illustrant un billet sur sa destitution.

Quand l’ex-président rend sa médaille… comme Pétain

C’est un geste rare, presque inconcevable dans la mémoire républicaine : un ancien président de la République déchu de la Légion d’honneur. Nicolas Sarkozy vient de l’expérimenter. Un décret publié cette semaine lui retire non seulement la Légion d’honneur, mais aussi l’Ordre national du Mérite, tous deux au rang de Grand-croix — le plus élevé.

Il ne s’agit pas là d’une décision politique au sens strict. Le président de la République n’a pas eu le choix : le retrait est automatiquement déclenché lorsqu’une condamnation pénale avec peine d’au moins un an de prison ferme devient définitive. Ce n’est pas une vengeance. C’est une règle de l’institution — froide, mécanique, presque impersonnelle.

Sur le papier, ce n’est qu’une ligne au Journal Officiel. Dans les faits, c’est une claque symbolique. Une sorte de retour brutal dans la réalité pour quelqu’un qui, pendant des années, incarnait le pouvoir à sa manière : verticale, nerveuse, hyperactive, brutale parfois. Il voulait marquer l’Histoire ? Elle vient de lui faire une annotation en marge. Au stylo rouge.

Comparaison n’est pas raison, mais un seul autre nom célèbre vient spontanément à l’esprit quand on parle de retrait de la Légion d’honneur à ce niveau-là : Philippe Pétain. Le maréchal avait été déchu en 1945, après le procès de la collaboration. Le parallèle s’arrête là, évidemment. Mais dans les deux cas, la République s’est permis un geste qu’elle ne réserve qu’aux siens. Ceux qu’elle a portés… et qu’elle juge ensuite.

Car oui, cette violence feutrée a quelque chose de glaçant. Il n’y a pas de procès public, pas de déclaration de rupture. Juste un décret signé, une ligne dans les journaux, et la sensation que la chute est toujours plus discrète que la gloire. On n’éteint pas la lumière d’un ancien président avec fracas. On la laisse vaciller jusqu’à l’oubli.

Et l’ironie, c’est que cette affaire — comme beaucoup d’autres — aurait pu passer inaperçue. Mais ce genre de geste, aussi silencieux soit-il, tape fort sur l’égo. Chez ceux qui ont exercé le pouvoir, la mémoire est sélective. On oublie les jugements, on se souvient des discours. On confond parfois l’image qu’on a laissée… avec celle qu’on s’est racontée.

Alors oui, c’est un symbole. Un symbole cruel, sec, presque indifférent. Mais qui dit quelque chose d’essentiel : la République ne statue pas sur l’émotion. Elle statue sur le droit. Et parfois, elle tranche à froid.

Nota Bene

Une médaille, ça brille. Mais ça se retire aussi vite qu’un costume mal porté. Et quand on a cru peser sur l’Histoire, se faire oublier par elle peut faire encore plus mal.

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