Spécialiste en tout, diplômé en rien
Ils sont arrivés en uniforme, sérieux et précis, quand la Russie a envahi l’Ukraine. Leur mission : expliquer au grand public les subtilités de la stratégie militaire, les mouvements de chars, les lignes de front. Et franchement, ils faisaient bien le job. Des généraux à la retraite, des colonels chevronnés, des connaisseurs du terrain.
Mais ça, c’était il y a trois ans.
Aujourd’hui, les mêmes visages décryptent les élections américaines, les tensions au Proche-Orient, l’économie mondiale, voire le climat. Sans transition, ni formation. Juste… parce qu’ils “passent bien à l’écran”.
Sur LCI ou ailleurs, le rituel est rôdé : une présentatrice posée, deux journalistes généralistes et une brochette d’invités — pardon, de “consultants”. Le problème, c’est que beaucoup ne consultent plus rien depuis longtemps. On les appelle “experts”, mais ce qu’ils maîtrisent surtout, c’est le plan serré et l’art de ne pas bafouiller. Ce sont des généraux de plateau, passés maître dans la pause éloquente et la citation vague.
Évidemment, certains ont une vraie compétence. Mais pourquoi les entendre sur tout ? Parce qu’ils coûtent moins cher qu’un chercheur, qu’ils savent respecter un conducteur, et surtout parce qu’ils plaisent à l’antenne. Un bon “expert télé”, c’est comme un bon jingle : court, clair, percutant — et interchangeable. Alors, on les recycle. Guerre au Moyen-Orient ? Présent. Élections américaines ? Présent. Séisme économique, catastrophe naturelle, débat éthique ? Présent aussi.
Mais à force de commenter tout, ils ne disent plus rien. Et nous, téléspectateurs fatigués, on finit par les regarder comme on écoute un habitué du PMU : avec une forme de tendresse ironique. Car leur valeur ajoutée n’est plus l’analyse, mais la familiarité. Ce sont nos copains de plateau, nos figures connues, nos têtes de fond d’écran. Sauf que ce fond d’écran, parfois, il plante.
Comment peut-on encore prétendre informer sérieusement avec si peu d’exigence ? À quel moment un costume bien coupé a-t-il remplacé un CV ? Et surtout : qui décide que l’info mérite mieux qu’un expert… mais pas trop cher, pas trop complexe, pas trop inconnu ?
Nota Bene :
À force d’écouter les mêmes visages commenter des sujets qu’ils ne maîtrisent pas, on oublie qu’un vrai spécialiste, ça ne passe pas forcément bien à la télé… mais ça dit des choses justes.
À lire aussi : Le billet d’humeur d’hier