Moteur 6 temps Porsche : une révolution thermique ?
Dans un monde automobile en pleine mutation, où l’électrification semble balayer les dernières résistances du thermique, le moteur 6 temps Porsche pourrait bien représenter une alternative révolutionnaire. Breveté récemment par la marque allemande, il repose sur un principe aussi intrigant que prometteur : exploiter l’énergie encore contenue dans les gaz d’échappement pour générer une seconde phase de combustion. Une idée aussi audacieuse qu’un ingénieur décidant de réinventer la respiration d’un moteur à essence.
Dans l’univers des voitures de collection et de l’ingénierie pure, ce concept fascine autant qu’il interroge : est-ce une simple curiosité ou une avancée majeure ? Plongée dans une mécanique d’ingénieurs… et de rêveurs.
Un moteur 6 temps, c’est quoi ?
Traditionnellement, un moteur thermique à 4 temps suit un cycle bien connu : admission, compression, explosion, échappement. Dans le moteur 6 temps développé par Porsche, deux étapes supplémentaires s’ajoutent pour améliorer le rendement. L’idée n’est pas nouvelle, mais elle est ici revisitée avec un raffinement technologique inédit.
L’objectif ? Récupérer l’énergie thermique contenue dans les gaz brûlés, au lieu de la rejeter comme dans un moteur classique. Cette approche permettrait de réaliser une deuxième combustion, générant un effort mécanique supplémentaire à partir des mêmes gaz. Selon Porsche, le gain de rendement pourrait atteindre 30 à 50 %.
On pourrait dire que c’est comme redonner une seconde vie à la même étincelle, un peu comme si un musicien rejouait une note pour en tirer une harmonie nouvelle. Fascinant sur le papier, ce principe rappelle à quel point les ingénieurs cherchent à repousser les limites d’un concept centenaire. Certains passionnés de voitures anciennes y voient même une sorte de revanche du moteur thermique face à la montée de l’électrique.
Crédit photo: fiches-auto.fr
Le fonctionnement détaillé du moteur 6 temps Porsche
Voici le déroulement d’un cycle complet :
1. Admission
Le mélange air/carburant est admis dans le cylindre pendant la descente du piston. Rien de surprenant à ce stade : on retrouve ici le même fonctionnement qu’un moteur à 4 temps classique.
2. Compression
Le piston remonte, comprimant le mélange air/carburant. Cela augmente la pression et la température du mélange avant son allumage.
3. Combustion primaire et détente
La bougie d’allumage déclenche une étincelle, provoquant l’explosion du mélange. Le piston est repoussé violemment vers le bas. Mais ici, une première particularité apparaît : le piston descend plus bas qu’en temps normal, libérant des orifices d’admission supplémentaires placés plus bas dans le cylindre. De l’air frais y est alors introduit, et une petite quantité de carburant est injectée pour préparer la seconde combustion.
Cette variation de la course est rendue possible par un système astucieux : le vilebrequin n’est plus monté de façon centrale, mais décalé dans une couronne dentée, un peu comme dans un moteur Wankel. Cela permet de moduler la position basse du piston (PMB) pour optimiser la recharge en air.
4. Compression des gaz résiduels
Les gaz issus de la première combustion, habituellement évacués, sont compressés à nouveau avec l’air frais injecté. Cette compression supplémentaire fait grimper encore la température et le taux de compression, ce qui prépare idéalement la deuxième combustion.
5. Combustion secondaire et détente
Une seconde explosion est déclenchée, cette fois dans un mélange bien plus pauvre en carburant. L’énergie dégagée est moindre, mais elle suffit à repousser le piston une seconde fois, générant un travail mécanique additionnel.
Cette phase agit un peu comme un système de post-combustion ou une vanne EGR améliorée, brûlant les résidus pour une meilleure efficacité.
6. Échappement
Enfin, les gaz sont évacués du cylindre, comme dans un moteur classique. Le cycle recommence alors.
Pourquoi conserver les gaz chauds améliore-t-il le rendement ?
L’intérêt principal de cette architecture repose sur un fait physique simple : les gaz brûlés contiennent encore beaucoup d’énergie thermique. Dans un moteur classique, cette énergie est perdue dans l’atmosphère via l’échappement. Porsche propose ici de récupérer cette chaleur pour alimenter une deuxième phase de travail mécanique.
Cela présente plusieurs avantages :
- Diminution des émissions polluantes : les gaz imbrûlés sont brûlés une seconde fois.
- Récupération de chaleur : on transforme une perte en énergie utile.
- Amélioration de l’efficacité thermique : la température moyenne du cycle augmente, ce qui accroît le rendement selon le principe de Carnot.
- Réduction de la consommation de carburant : la deuxième combustion nécessite moins de carburant.
Crédit photo: Porsche
La technologie derrière le système Porsche
Le cœur du système réside dans l’embiellage, c’est-à-dire le système de bielle et vilebrequin. Ici, Porsche s’inspire du principe du moteur Wankel pour décaler le centre de rotation du vilebrequin. Au lieu de tourner autour d’un axe fixe, le vilebrequin orbite dans une couronne dentée, ce qui permet d’ajuster dynamiquement la course du piston.
Ce système complexe permet de faire varier la position du point mort bas selon les phases du cycle. Il s’agit d’une vraie innovation mécanique, mais aussi d’un défi technique important pour la fiabilité et le coût de fabrication.
Crédit photo: Porsche
Un cycle en deux temps forts
Une autre manière de voir ce moteur est de le diviser en deux mini-cycles de 3 temps :
- Cycle 1 : admission, compression, combustion 1
- Cycle 2 : compression résiduelle, combustion 2, échappement
Chaque cycle produit un effort mécanique, ce qui double la fréquence de production de puissance comparée à un moteur classique (1 explosion tous les 3 temps contre 1 tous les 4 temps).
Crédit photo: Porsche moteur hybride 911 GTS
Les inconvénients du moteur 6 temps
Même si le moteur 6 temps présente des avantages clairs sur le papier, il n’est pas sans défauts :
Poids et coût : un moteur plus complexe est généralement plus lourd et plus cher.
Complexité mécanique : le système de bielle sur couronne dentée est difficile à produire et à entretenir.
Usure accrue : maintenir des températures élevées dans la chambre peut accélérer l’usure des soupapes et des segments.
Problèmes d’encrassement : la recirculation des gaz d’échappement peut entraîner un dépôt de particules, comme avec une vanne EGR.
Crédit photo: researchgate Roger Bajulaz
Porsche innove, mais n’invente pas
Il est intéressant de noter que plusieurs moteurs 6 temps ont vu le jour au fil des décennies :
- Bruce Crower (2004) : une post-combustion à la vapeur.
- Velozeta (années 2000) : injection d’air comprimé pour refroidir les gaz.
- Beare (années 1990) : double combustion avec pistons opposés.
- Bajulaz (années 1980) : chambre de combustion secondaire.
- Mack Trucks (années 1920) : cycles de refroidissement alternés.
Mais aucun n’avait encore réussi à proposer une application réaliste et industrialisable, faute de maîtrise technologique ou de coût acceptable.
Un espoir pour le thermique ?
Le moteur 6 temps de Porsche ne sauvera peut-être pas à lui seul le moteur thermique, mais il ouvre une voie technologique alternative. Dans un monde où l’on cherche à réduire la consommation et les émissions sans renoncer totalement à la combustion, cette architecture pourrait trouver sa place dans certaines niches haut de gamme… voire en compétition.
Surtout, cette innovation prouve que le thermique n’a pas encore dit son dernier mot, à condition de l’aborder avec intelligence et créativité. Et qui mieux que Porsche pour faire rimer passion mécanique et ingénierie de pointe ?
Nota Bene :
On oublie souvent que l’expérimentation fait partie de l’ADN de Ferdinand Porsche : dès 1900, il concevait la Lohner-Porsche hybride, avant de fonder sa propre marque. Plus d’un siècle plus tard, l’esprit d’innovation se prolonge avec le moteur 6 temps.
À lire aussi : Moteur 4 Temps : Comment ça marche vraiment ?
Ce principe est décrit dans le cas d’un monocylindre mais la complexité du système d’embiellage rend l’application a un moteur multicylindre encore plus complexe pour équilibrer l’ensemble.
Bonne question, qui demande réflexion…. je reviendrai quand j’y aurai pensé…